Le combat de la représentativité des femmes a pris de nos jours une proportion importante dans la politique de l’État. Ainsi, à travers les nominations et les élections, une poignée de femmes a pu émerger, donnant lieu à l’amélioration de leur nombre au sein des instances de prise de décisions étatiques.
Au Mali, depuis 1960, la représentativité des femmes aux postes électifs et nominatifs, évolue dans la lenteur, malgré les lois votées en leur faveur. Chaque régime a fait la promotion du genre en sa manière, mais l’évolution la plus remarquable a été enregistrée sous le Président Amadou Toumani Touré, avec la nomination d’une femme au poste du Premier ministre.
Par contre, même avec peu de places, les Maliennes jouent un rôle important dans le développement du pays, avec de nombreux défis : la consolidation de la paix, la lutte contre les violences, surtout basées sur le genre (VBG), l’égalité entre les sexes dans la prise de décision et les postes électifs.
Les avis sont partagés quant à la prise en compte du statut de la femme lors du récent Dialogue national inclusif. Force est de reconnaître que c’est bien à partir du second quinquennat de l’actuel Président, Ibrahim Boubacar Kéita, que les résultats les plus tangibles ont été enregistrés, notamment la loi instituant un « quota », ayant donné aux femmes l’occasion d’améliorer leur représentativité dans les instances de prises de décision.
Selon les Termes de référence du Dialogue national inclusif : « les femmes et les jeunes constituent deux forces incontournables, qui, en dépit de leur volonté de contribuer au développement national, ne sont pas suffisamment responsabilisées pour donner le meilleur d’elles-mêmes au plan économique, social et politique ainsi que dans la réflexion sur une stratégie malienne de sortie de crise. À titre illustratif, les femmes qui ont pris part au processus d’Alger pour la paix et la réconciliation ne figurent pas dans les institutions créées dans le cadre de sa mise en œuvre ».
Sur cinq femmes que nous avons rencontrées, trois ont souligné n’avoir pas participé au Dialogue national inclusif, mais affirment que, que les femmes y soient associées ou non, rien ne peut être géré sans leur apport. Dans la commune du Mandé, trois personnes sur cinq, tous âges confondus, ont également indiqué ne pas être au courant de la tenue du Dialogue national inclusif. La plupart d’entre elles ne s’intéressent qu’à la terre. Malgré d’autres ont souligné la présence massive des femmes leaders, d’associations féminines, etc., lors du dialogue et affirment que dans les débats et recommandations le Genre est ressorti.
Il faut noter que, malgré une loi de promotion du genre aux différents postes, les femmes, qui représentent 50,4% (selon le MPFEF) de la population, ont d’énormes difficultés à se positionner en bonnes places sur les listes électorales et à se faire élire. Selon le Bulletin statistique 2018 du Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant (CNDIFE), sur 32 ministres, 11 sont femmes; sur 147 députés, il y avait 14 femmes. Sur les 703 maires, on comptait seulement 11 femmes. Sur 11 180 conseillers communaux, il y a 2 863 femmes.
Me Alou Keïta de l’AMDH indique également que les statistiques de « l’Enquête par grappe à indicateurs multiples au Mali (MICS – Mali) 2015 » montrent que seules 5% des femmes de 15 à 49 ans ont un accès hebdomadaire aux médias. 16,1% des femmes de cette même tranche d’âge déclarent avoir été mariées ou en union avant l’âge de 15 ans, contre 1,3% d’hommes, et 75,2% des femmes et filles continuent de subir des Mutilations génitales féminines (MGF).
En plus, ajoute-t-il, 34,9% des jeunes femmes de 15 à 24 ans seulement sont capables de lire une phrase courte et simple ou sont allées à l’école secondaire, contre 48% des jeunes hommes de la même tranche d’âge. Autant d’indicateurs qui montrent qu’il y a certes eu une évolution positive, mais qu’il reste beaucoup à faire en vue d’obtenir un changement de comportement vis-à-vis des questions relatives au Genre.
Selon la Présidente du Réseau des jeunes femmes leaders des partis politiques et des organisations de la société civile, Mme Djilla Habibatou Traoré, de façon globale, si on prend l’ensemble des instances, on peut dire qu’il y a eu une amélioration au niveau des instances de décision électives au niveau municipal et communal, parce le nombre de femmes a augmenté jusqu’à 25%. 2 863 femmes ont été élues conseillères municipales. En ce qui concerne les élections législatives, elles sont en train de faire le suivi des listes et on constate que sur les 545 listes validées, faisant un total de 1 447 candidatures, il y a environ 426 femmes. Ce qui montre qu’il y a déjà une nette amélioration du nombre de femmes par rapport à leur présence au niveau de l’Assemblée nationale actuellement.
Pour elle, on ne peut pas dire pour moment que les femmes et les hommes ont les mêmes chances pour le moment. « Il y a une loi qui est là, avec des mesures incitatives pour qu’on puisse atteindre cela. Pour atteindre un taux élevé, la loi 052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux instances de décisions nominatives et électives, a été votée. C’est déjà une initiative qui est passée à l’Assemblée Nationale et le Président l’a promulguée en 2015 ». À ses dires, au niveau des partis politiques, elles sont en train de faire des plaidoyers auprès du Réseau des femmes ministres et parlementaires d’Afrique (REFAMP) afin qu’elles soient bien intégrées.
Pour plus de précision, selon certains articles de la loi 052, la représentation d’aucun des deux sexes ne doit dépasser 70%. Mme Djilla souligne que le Mali a signé et ratifié des conventions, mais que c’est l’application qui fait défaut.
Une loi bienvenue!
Après plusieurs mois de discussions et reports, ce vote fut un succès pour les Maliennes, vu la présence effective des femmes dans le gouvernement du second quinquennat d’IBK. Cette victoire des femmes, elles le doivent au Président IBK qui, dans presque tous ses discours, ouvre une parenthèse pour prouver son attachement à leur cause. L’article 1 de la loi stipule : « à l’occasion des nominations dans les institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30% ».
L’article 2 va encore plus loin, en précisant « à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, des membres du Haut conseil des collectivités ou des conseillers des collectivités territoriales, aucune liste d’au moins trois personnes présentée par un parti politique, groupement de partis politiques ou regroupement de candidats indépendants, n’est recevable si elle présente plus de 60% de femmes ou d’hommes ».
Les regards des Maliennes et de la communauté internationale sont désormais rivés sur le Président de la république et ses ministres pour définir les conditions d’application de cette loi, dont le vote n’a pas été du tout facile.
« Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et le Fonds des Nations pour la Démocratie (FNUD/UNDEF) ».
Fatoumata Traoré