juin 1, 2020 Yaman Art

MENDICITÉ GÉMELLAIRE À BAMAKO : L’avenir des enfants bafoué !

 

Sur les boulevards, les devantures des lieux de culte et les rues de Bamako, le spectacle des tout-petits mendiants est alarmant. Ces enfants qui ont en général âgé entre 2 mois et 6 ans sont plus souvent menés par des femmes adultes ou des fillettes pour demander l’aumône.

Au Mali, donner l’aumône aux jumeaux, attirerait sur soi des grâces. Cette croyance populaire est devenue une opportunité pour certains parents qui ne pensent qu’au gain quotidien. Certains vont jusqu’à louer leurs jumeaux. De ce fait, à longueur de journée, ces enfants au bout des bras de leurs porteuses, viennent s’assembler autour des véhicules lorsque les feux tricolores passent au rouge ou poursuivent les fidèles à la sortie des mosquées et des hôpitaux. Alors que certains d’entre eux ne sont même pas des jumeaux.

Djéneba Diarra mère de jumeaux, une fille et un garçon de 3ans, nous dira : « Je fais cette pratique par nécessité et si demain j’ai les moyens, je ferais tout pour inscrire mes enfants à l’école afin d’assurer leur avenir. Mon mari est au courant que je promène les enfants, il accepte cela parce nous n’arrivons pas à joindre les deux bouts. Mon mari est débrouillard et moi je n’ai aucune source de revenu. »  

J’ai aussi parlé à une autre mère d’enfants jumeaux qui a voulu se faire appeler par ces initiaux BT : « je fais ceci à l’insu de mon mari qui voyage très souvent, car il est chauffeur, donc c’est quand le mari est en voyage que j’amène les enfants question de me faire un peu de sous. »

Il faut dire que ces femmes trouvent beaucoup de choses dans la mendicité gémellaire, toute chose qui encourage chaque fois de nouveaux entrants. Balakissa Ouattara une promeneuse de jumeaux confirme que : « je peux   avoir 10 000 à 15 000 FCFA en plus d’autres aumônes comme des poulets, des colas, des dattes. Jusqu’à présent, je ne me suis jamais demander qu’elle sera l’avenir de ces enfants, confirmera-t-elle… »

Aux enfants eux-mêmes, les parents ne leur demandent pas leur avis. A force de faire cette pratique depuis leur naissance, cela devient une habitude pour certains, comme c’est le cas de deux enfants aux initiaux d’A.D et F.B.D : « nous sommes dans la rue depuis à l’âge d’un mois. C’est notre maman qui nous promenait, maintenant nous le faisons nous-même. Ils n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, parce que les parents n’ont pas les moyens et depuis qu’eux-mêmes peuvent éviter les véhicules, ils vont eux-mêmes dans la rue. »

Mamadou Koné, père de jumeaux, nous dira que : « j’ai horreur du fait qu’on promène les jumeaux et de jurer que ses enfants n’ont jamais été promenés, car je veille personnellement que cela ne se produise pas. Je les ai inscrits à l’école et aujourd’hui ils font la 3ème année. Je ne consens pas avec le fait que les gens disent que si les jumeaux ne sont pas promenés, ils vont tomber malades. Je pense que c’est juste pour justifier leur méfait. »

Au dire de M. Harouna Samaké, Chef de Division Promotion de L’enfants et de la Famille, il nous informera que : « la promenade des jumeaux était lié à la tradition pour satisfaire à un certain nombre de rites, mais il n’y avait pas cette soif de gain. Et d’ajouter que les textes comme le code de protection de l’enfant qui est relecture, il y a aussi la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant interdisent la mendicité en général. » M. Samaké dira que : « les motifs de cette pratique sont entre autres la pauvreté et il est sûr que ce qui encourage cette pratique est l’ignorance et la non application des lois. »

Pour ce qui est des actions qu’à poser l’Etat pour remédier à cette pratique, M. Samaké dira que : « l’Etat a mis en place un document de politique nationale. Dans ce document il est demandé que chaque enfant a droit à l’épanouissement. Il a aussi été mis en place des structures de réinsertion qui lutte contre ces pratiques. »

Sur le plan juridique, la mendicité sur la voie publique est interdite au Mali. L’incitation d’un mineur à la mendicité est répréhensible d’une peine allant de trois mois à un an de prison (article 183 du Code pénal).

Cet article est publié avec le soutien de JDH – « Journalistes pour les Droits Humains » et du Fonds des Nations pour la Démocratie (FNUD/UNDEF).

 

Aminata SANOGO