juin 16, 2020 Mali JHR

LA DÉPERDITION DES FILLES EN MILIEU SCOLAIRE : Causes et Conséquences

 

Élucider les causes et les conséquences afin d’apporter des solutions idoines et durables à ce phénomène, sont, entre autres, certaines des recommandations des assises du Dialogue national inclusif. 

Selon un rapport mondial de l’UNESCO, en 2005, dans le classement des dix pays les moins bien placés en matière d’éducation des filles, le Mali occupait la 4ème place. Toujours selon ce rapport, sur les filles âgées de 7 à 16 ans issues de familles démunies scolarisées, 9 sur 10 n’étaient pas arrivées au terme du cycle primaire et 5,3% au second cycle avaient un statut de femme mariée.

Force est de reconnaitre que, six décennies après les indépendances en Afrique noire, la scolarisation des filles demeure inférieure à celle des garçons. Chez nous, au Mali, la déperdition des jeunes filles en milieu scolaire est en train de prendre des proportions inquiétantes et ce malgré de nombreuses tentatives pour remédier à ce phénomène. Les régions du nord enregistrent  les taux les plus élevés de ce fléau au Mali. 

Face à cette réalité, le peuple souverain du Mali, dans son ensemble, a exprimé la nécessité de défendre les droits de la femme et de l’enfant. Cependant, malgré tous ces efforts fournis et la volonté affichée des plus hautes autorités, la problématique de l’accès et du maintien des filles en milieu scolaire est et demeure une préoccupation majeure. 

C’est pourquoi les assises du Dialogue national inclusif, dans leur rapport, recommandent d’élucider les causes et conséquences afin d’y apporter des solutions idoines et durables.

 

Les causes :

Les filles abandonnent très tôt les bancs de l’école pour des raisons diverses. Nous pouvons entre autres citer la situation économique et financière des parents, les mariages précoces ou forcés et l’influence de la tradition et de la religion.

En effet, certains parents considèrent que la place qui revient de droit à la fille est le foyer. Ils préfèrent qu’elles interviennent dans les tâches ménagères ou fassent du petit commerce plutôt que de les encourager à poursuivre leurs études.

Certains vont même jusqu’à croire que scolariser une fille et prétendre la voir un jour assumer une responsabilité dans l’administration constitue une énorme perte pour la famille. Le mariage est considéré dans bien des cas comme étant le seul choix de ces parents, qui ont donc le droit de vie et de mort sur leur fille.  

Ignorants ou refusant d’admettre que les filles ont de nos jours leur place dans la chaine de valeurs, qu’il faudrait capitaliser, ils préfèrent donner la priorité aux garçons.

Les longues distances à parcourir pour se rendre à l’école sont aussi un facteur aggravant qui pousse certaines filles à abandonner les bancs de l’école pour s’adonner à d’autres petites activités. D’après le témoignage de certains enseignants, la plupart des filles abandonnent l’école avant même d’atteindre le niveau du diplôme d’études fondamentales (DEF). La naïveté, la paresse, la négligence, les mauvaises fréquentations, le mariage précoce ou forcé, l’envie de mener de petits métiers lucratifs sont quelques raisons de cette situation. 

Pour en savoir davantage, voici les témoignages de certaines victimes que nous avons interrogées. AT, une aide-ménagère venue de Kononbougou, nous a  raconté son histoire avec la gorge presque nouée de sanglots. « J’ai arrêté d’aller à l’école en classe de 6ème année parce que mes parents n’avaient pas les moyens de payer mes frais de scolarité. J’ai alors préféré venir à Bamako pour exercer un petit boulot de servante, afin de  pouvoir  payer mon trousseau de mariage, à l’instar des autres jeunes filles de notre village ».

Quant à DT, une autre servante âgée de 16 ans, elle dira qu’elle était obligée de parcourir plusieurs kilomètres pour rallier l’école. Ne pouvant plus supporter ce qui s’apparentait à une corvée, elle fut obligée, au bout de huit ans, de jeter l’éponge en classe de 8èmeannée. Cette décision, a-t-elle dit, fut accueillie comme un ouf de soulagement par ses parents, qui aussitôt l’envoyèrent à Bamako afin qu’elle puisse chercher de l’argent pour aider la famille, en grande difficulté financière.

De son côté, K.S, âgée de 19 ans, autrefois étudiante en 2ème année dans un établissement universitaire, a dû quitter les bancs de l’école à cause des multiples grèves. Malheureusement, elle  s’est retrouvée à la suite dans les bars, les boites de nuit et autres lieux où coule à flot l’alcool. Ainsi, dans ces endroits, étant devenue une fille de joie, elle en profite pour soutirer çà et là des billets de banque aux premiers venus.  

 

Les conséquences :

Il est établi selon un rapport de l’UNESCO qu’au Mali 55% des enfants de sexe féminin n’ont pas la chance d’être scolarisés. D’autre part, parmi celles qui commencent les études, très peu arrivent à la phase universitaire de leur cursus. Cette situation a malheureusement plusieurs conséquences, et pas les moindres, sur la vie de ces filles. 

Le phénomène de la prostitution en est une. Plusieurs filles qui tombent dans la prostitution, le font malgré elles, afin de pouvoir avec ce qu’elles gagnent, s’occuper de toute une famille. Malheureusement, en s’adonnant au plus vieux métier du monde, ces jeunes filles s’exposent à toutes sortes de maladies. 

 

Que faire?

Face à cela, et conscient de ce que les inégalités de sexes accentuent davantage la disparité entre hommes et femmes et handicape le processus de développement socioculturel et économique, au moment où la question du genre s’invite dans tous les débats, le gouvernement du Mali, à travers le ministère de l’Éducation nationale, a pris des mesures pour garantir le droit à l’éducation pour toutes les filles au niveau de l’enseignement fondamental.

Ces mesures ont permis depuis 2000 de créer une section « Scolarisation et formation des filles » et, depuis 2011, une division « Scolarisation des filles ». Au chapitre de l’enseignement secondaire, il est prévu d’orienter dans les lycées certaines jeunes filles, celles dont l’âge varie entre 13 et 16 ans, et celles âgées de 17 à 18 ans vers l’enseignement technique et professionnel.

Il est également recommandé désormais l’ajournement, au lieu du renvoi définitif, des jeunes filles en cas de grossesse en milieu scolaire. 

« Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et le Fonds des Nations pour la Démocratie (FNUD/UNDEF) ».

 

Dramane Konta