juillet 6, 2020 Mali JHR

Conséquences du mercure dans l’orpaillage : Les populations meurent à petit feu

 

03 Juin, 2020

 

Le Code minier malien de 2012, en son article 1er, définit l’orpaillage comme une activité consistant à récupérer l’or contenu dans les gîtes primaires, alluvionnaires et éluvionnaires et pouvant être pratiquée sous une forme artisanale ou mécanisée. Plus de 15 millions de mineurs vivent de l’activité à travers le monde. Au Mali, elle fait vivre plus de 10% de la population de manière directe ou indirecte, selon la Fédération nationale des orpailleurs dans son rapport 2018.

 

La nature du minerai traité oblige souvent les orpailleurs à l’usage de certains produits chimiques, comme le mercure. C’est un produit hautement dangereux pour la santé humaine et environnementale. Il est considéré comme un mal nécessaire par les usagers (orpailleurs), puisque moins cher, disponible et peu contraignant.

 

Les jeunes garçons et filles qui vivent sur les sites d’orpaillage de Kéniéba et avec lesquels nous avons discuté affirment qu’ils utilisent le mercure parce qu’il est moins cher et qu’ils ont facilement accès à ce produit. Ils en connaissent bien les conséquences, car ils ont vu des gens tomber malades, mais ils disent qu’ils n’ont pas d’autre choix. Les 3/4 des villageois qui vivent près de ces mines artisanales se plaignent du manque d’eau potable, car tout a pris le goût du mercure. Ils se plaignent également de la disparition des champs et des arbres. Sur chaque site, les responsables des mines et les maires rappellent que l’utilisation du mercure est strictement interdite. Pourtant, elle se pratique au vu et au su de tous.

 

Selon M. Aly N’Tji Diarra, chercheur et spécialiste en artisanat minier : « le mercure est un produit chimique hautement toxique qui tue à petit feu. Il faut réduire de façon considérable son usage du mercure et aller vers des techniques de la réduction de son utilisation, voire des technologies de traitement de l’or sans mercure avec un bon rendement. J’ai mis au point un outil appelé Sanouguan « Brûle or », qui brûle l’amalgame or – mercure avec récupération et recyclage du mercure, sans échappement de vapeur et aussi avec l’amélioration du carat, la pureté de l’or ».

 

Le Chef de cabinet du ministre des Mines et du pétrole, M. Lamine Alexis Dembélé, indique qu’il : « existe plus de 200 sites connus d’orpaillage à travers le Mali, mais ce nombre peut varier à tout moment. Le mercure est un produit chimique nocif dont l’achat est interdit sans autorisation. Ce produit ne devrait être utilisé que pour des besoins de laboratoire. Le ministère des Mines a mené plusieurs missions sur le terrain pour sensibiliser les orpailleurs. Il a organisé des séminaires de formation, en compagnie de la Chambre des mines, dans toutes les régions minières du Mali. 

 

Pour mener le combat contre l’utilisation du mercure dans l’orpaillage, il faut une synergie entre les départements des Mines, de l’Environnement et de l’Administration territoriale. Pour le répondant légal, le nouveau Code minier a interdit le dragage sur les cours d’eau au Mali, ce qui réduit de façon drastique l’utilisation du mercure sur ces sites ».

 

Le ministère de l’Environnement, de l’assainissement et du développement durable du Mali, à travers la coordination du Projet d’évaluation initiale de la Convention de Minamata sur le mercure, domiciliée à la Direction nationale de l’Assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances (DNACPN), a procédé d’octobre 2016 à mars 2017 à l’inventaire des émulsions et rejets de mercure au Mali. Il fait suite à la signature de la Convention de Minamata par le gouvernement, le 10 octobre 2013 à Kumamoto au Japon. Elle a été signée par 124 pays et ratifiée par 86 (dont le Mali). Elle est entrée en vigueur le 16 août 2017 et à sa ratification par l’Assemblée nationale malienne a eu lieu le 25 avril 2016.

 

Malgré toutes ces précautions, le mercure continue d’être utilisé et fait des dégâts considérables sur la nature et sur les êtres humains. Le Docteur Fané Sékou, médecin généraliste au Centre de santé de Kéniéba, explique pourquoi. « Le mercure est un produit bio-cumulatif, c’est-à-dire qu’il remonte la chaîne alimentaire. Les conséquences d’une exposition régulière au mercure sont, entre autres, des fuites de mémoire, l’incapacité de coordonner ses mouvements, des tremblements ou même la maladie d’Alzheimer. Cela peut aller jusqu’à la mort… Très souvent, des jeunes viennent nous voir, souffrant des troubles de mémoire ».

 

Cet article est publié avec le soutien de JDH – « Journalistes pour les Droits Humains » et du Fonds des Nations pour la Démocratie (FNUD/UNDEF).

 

Aminata Sanogo